portrait d'une enfant déchue

En 2011, le Festival de Cannes a honoré Jerry Schatzberg en choisissant une de ses photographies de Faye Dunaway pour illustrer l’affiche du Festival (voir article du 18 avril "la classe!!!"). Par la même occasion, Portrait d’une enfant déchue datant de 1970, dont Faye Dunaway tient le rôle principal, avait fait l’ouverture du Festival dans une copie neuve. Le film est ressorti en salle comme il était prévu.

De mémoire de festivalier, l'affiche de ce 64eme Festival de Cannes fait partie des sommets artistiques du genre. On y voit une Faye Dunaway sculpturale, visage et jambes magnifiés par le regard de Jerry Schatzberg. Le cliché date de 1970. La même année, le photographe devient cinéaste et choisit sa muse pour passer à l'acte. Ce sera Portrait d'une enfant déchue. Faye Dunaway y campe une mannequin oubliée des flashs qui se souvient avec désillusion de ses heures de gloire. Mettre en perspective la photo de Faye en pin-up avec le mannequin soudain animé donne un profond vertige!

En 1970, la parenthèse enchantée du Nouvel Hollywood vient à peine de s'ouvrir. Faye Dunaway y est pour quelque chose, puisqu'elle a été la flingueuse Bonnie d'Arthur Penn qui a mis le feu aux poudres en 1967. Ce sont les grandes heures du cinema US où la jeunesse fait à peu près ce qu'elle veut. Scorsese, Coppola, de Palma, Spielberg... et donc Schatzberg, bien qu'il refuse d'être associé au mouvement, libèrent leurs images et leurs angoisses sur pellicule. Avec ce Portrait., Miss Dunaway met ici en abîme son statut d' icône.

Ce méconnu Portrait d'une enfant déchue possède toutes les qualités artistiques et dramatiques de ce cinéma libéré: récit déstructuré traduisant les errances du souvenir, regard sans concession sur une réalité sombre et complexe et surtout une jeunesse qui transpire par tous les pores de la pellicule. Faye Dunaway a 29 ans. Elle a déjà tourné Bonie & Clyde, L'affaire Thomas Crowne, Little Big Man, pas encore Chinatown, Les trois jours du Condor et Network. Une déesse plane alors de son insolente beauté sur le monde.

Le scénario de ce Portrait. est inspiré du destin tourmenté de la top model Ann Saint Marie (épouse du photographe Tom Palumbo, décédée en 1986) et marque donc les débuts de Schatzberg au cinéma. C'est surtout son premier chef d'oeuvre. Ce fils de fourreur du Bronx devenu photographe de mode à succès, va alors signer coup sur coup: Panique à Needle Park avec un Pacino halluciné et L'épouvantail, Palme d'or en 1973.

Ce bijou connu de quelques cinéphiles, a donc (re) trouver les chemins des salles obscures hier grâce au distributeur français Carlotta en copies neuves. Ils verront alors comment Faye Dunaway traverse les âges de son personnage (de l'innocence de la jeune fille à la désillusion de la femme déboussolée) avec une intelligence de jeu rare.

Source l'express.fr