jeudi 29 décembre 2011
débat hypocrite
A la une de Libé ce matin :
Prostitution, le débat hypocrite. La proposition de loi ne trouve pas client...
Deux députés veulent pénaliser le recours aux prostitué(e)s, alors que tous les acteurs concernés dénoncent l'inefficacité de la répression.
Les travailleurs du sexe réunis à Lyon craignent la pénalisation prônée mercredi par Roselyne Bachelot.
En 1975, alors que les prostituées emmenées par Ulla occupaient l’église Saint-Nizier de Lyon, le maire Louis Pradel avait déclaré qu’à moins de "couper le zizi de tous les Lyonnais", il ne voyait guère comment endiguer ce commerce. Une génération plus tard, Roselyne Bachelot envisage de pénaliser les clients.
Auditionnée mercredi par la mission d’information parlementaire sur la prostitution, la ministre des Solidarités a plaidé pour que la France s’inspire du modèle suédois, qui pénalise le recours aux prostitué(e)s d’une amende et d’une peine de prison de six mois. Un texte de loi pourrait être déposé prochainement, pour être applicable dès 2012.
La pénalisation des clients aura dominé l’esprit de la mission d’information parlementaire, qui rend son rapport d’ici deux semaines. Cette idée ne fait guère débat chez les parlementaires, à gauche comme à droite. Elle est soutenue par la plupart des associations féministes et par celles, comme le Mouvement du nid, qui travaillent à la réinsertion des prostituées et plaident pour qu’on les considère comme victimes. Elle est en revanche décriée par ceux qui se revendiquent "travailleurs et travailleuses du sexe" et disent avoir choisi la prostitution.
Réuni(e)s il y a deux semaines à Lyon, pour les cinquièmes Assises de la prostitution, ces professionnel(le)s estiment que, comme la prostitution ne disparaîtra pas, il vaut mieux la pratiquer dans des conditions correctes, plutôt que de multiplier les interdictions. Avec le risque, expliquait le psychologue Miguel-Ange Garzo, du collectif Droits et prostitution, "d’augmenter encore plus la précarité des personnes prostituées, de les éloigner des regards, des lieux de soins et de prévention".
La marginalisation a été dénoncée par les associations (pour le coup toutes d’accord) lors de la mise en place en 2003 par Nicolas Sarkozy de la loi sur le racolage passif, suivie d’une multiplication des arrêtés municipaux, notamment à Lyon, interdisant la prostitution en centre-ville. Au-delà des questions de sécurité ("on va faire des passes vite fait et monter dans des voitures sans regarder si le client est clean", explique un jeune prostitué), ces travailleurs du sexe dénoncent "l’hypocrisie" des politiques. Une jeune femme, "escort sur Internet", explique : "Au travers des clients, c’est nous qui sommes visées. Les clients sont des hommes, en majorité blancs, hétéros, socialement intégrés. Je ne vois pas la société se retourner contre eux."
Capotier. Karen, porte-parole des prostituées lyonnaises de Gerland, est plus inquiète. "Cela ne touchera pas tous les clients. Les hommes d’affaires, qui font monter des filles à 2 000 euros dans les palaces, n’ont pas de souci à se faire. Cette loi va viser les plus fragiles», ses "petits clients". Une jeune fille demande : "Peut-on faire alliance avec les clients pour se défendre ?" Une plus âgée en doute : "Ils ne bougeront jamais. Personne n’est officiellement client de prostituée."
Quelques chiffres :
Le capotier de Lyon, vendeur ambulant, a fait quelques calculs à partir du nombre de préservatifs qu’il écoule chaque année auprès des prostituées. Il avance le chiffre invérifiable d’un million de passes par an sur la région lyonnaise.
80% des prostituées en France seraient étrangères : Roumaines, Bulgares ou Nigérianes dans les rues de Paris; des Ukrainiennes, Brésiliennes sur le Net. (source Ocreth).
20000 prostituées exerceraient sur le territoire Français selon le ministère de l'intérieur. Un chiffre sous-estimé selon les associations : l'Allemagne où la prostitution est déclarée, en compte 400000.
Quelques repères :
La Suède et la Norvège pénalisent les clients. La Suède a été le premier pays au monde à le faire en 1999.
L'Allemagne reconnait le statut de salariées aux prostituées allemandes et résidentes de l'UE.
La Belgique tolère certaines formes de proxénétisme.
L'Espagne l'interdit dans les rues, mais l'autorise dans les clubs.
Les Pays-Bas ont légalisé la prostitution en 2000.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire