mercredi 22 février 2012

rip miss bassman












La photographe Lillian Bassman est morte lundi 13 février, à son domicile de New York, sa ville natale. Elle avait 94 ans. Cette anticonformiste personnifiait la créativité avec ses photographies eurythmiques à la fibre estivale.

Longtemps attachée à l’univers de la mode, elle avait retrouvé dans les années 90, grâce à l’historien Martin Harrison, le goût des sunlights, et l’on ne cessa, dès lors, de la contempler sur les cimaises. "Une chance inouïe, pas un jour sans travail", disait-elle, en gardant la tête froide, lors de sa rétrospective à Paris, au Carrousel du Louvre, juste après "Vanités", organisée par Robert Delpire au Centre national de la photographie, en 1993.

Glamour. Fille de juifs russes émigrés, Lillian Violet Bassman naît le 15 juin 1917, à Brooklyn, puis grandit dans le Bronx. Parents bienveillants, éducation bohème, rencontre de son futur mari, Paul Himmel. Elle contacte Alexei Brodovitch, le gourou du célèbre magazine Harper’s Bazaar. Entente réciproque, elle sera un temps son assistante avant de s’aventurer en solo, en 1947 : "Avant que je ne devienne photographe de mode, Brodovitch et moi étions toujours d’accord. Dès mes premières productions, il ne partagea plus mon choix. Il fallait avoir, face à lui, un super ego, car il tua autant de photographes qu’il en révéla. N’hésitant pas à recadrer une image ou à évacuer un curieux jugé sans talent."

A une époque où la femme est plutôt miroir, Lillian Bassman prend position derrière l’objectif. Richard Avedon lui prête un studio et un assistant ; elle fait ses griffes en fixant de la lingerie avec un certain glamour et une féminité absolue, ne rechignant jamais à faire du commercial. Elle apprécie les mannequins en longueur, femmes fluides s’évaporant telle la fumée de cigarettes. Son style étonne, et agace même Carmel Snow, rédactrice en chef du Harper’s, furie notoire mais esprit cultivé. "Le couturier a voulu une colonne de mousseline et vous me faites un papillon. My dear, vous n’êtes pas ici pour faire de l’art, vous êtes ici pour montrer les boutons et les nœuds." Oukase de Miss Snow, qui ne fit pas plier Bassman, développant allègrement son noir et blanc et ses surfaces abstraites, ainsi dans ce portrait si aimé de Mary Jane Russell, main sur le visage, ongles noircis et chapeau-toupie, la distinction à son zénith (Harper’s Bazaar, 1954).

Lillian Bassman se plaisait à raconter ces douces années où la mode n’isolait pas les photographes de la réalité des mortels, et où tout paraissait plus direct : "Imaginez que j’étais seule avec le modèle, pas comme maintenant où chacun doit s’exprimer avant la prise de vue ! Ni maquilleur ni coiffeur, on s’occupait de tout." A l’aise dans l’intimité du studio, la photographe quitta Harper’s Bazaar vers 1970, et s’éloigna, peu attirée par les nouvelles mini-stars qui allaient squatter les podiums. Tri dans ses images (qu’elle jette dans un sac au fond de son appartement avant que l’historien Martin Harrison ne les mette en lumière), et début d’une longue étude sur les natures mortes en couleurs, fleurs, fruits, légumes.

Raffiné. Dès lors, reprenant le chemin de la chambre noire, Lillian Bassman réinterprète ses tirages, sublimant un graphisme raffiné jusqu’à l’excellence. En 2002, son feeling avait enthousiasmé les photophiles qui l’avaient accueillie à Madrid, dans le cadre de Photo España. Au Jardin botanique, la reine Sofia s’était arrêtée longuement devant ses photographies. Lillian Bassmann était aussi une reine.

A voir : l’exposition "Lingerie" à la Staley-Wise Gallery à New York, du 13 avril au 26 mai.
Actuellement se tient une expo "The nude interpreted", où l'on retrouve les clichés de Horst, Herb Ritts, Wayne Maser, Marco Glaviano, Denis Piel, Robert Doisneau, Herbert Matter, Helmut Newton, André Kertész & Bert Stern...

Source liberation.fr

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